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Hapatique
Friday 17 June 2022 08:15

L'haptique numérique sur les tablettes améliore les performances sur les tâches visuelles centrales, ouvrant la voie à des conducteurs plus attentifs.

Chaque année, on dénombre plus d'un million de décès dus aux accidents de la route. Les accidents de la route sont la première cause de mortalité pour les personnes âgées de 5 à 29 ans. La conduite est exigeante sur le plan visuel, et toute tâche supplémentaire à bord du véhicule risque de détourner l'attention du conducteur. Le temps passé à regarder à l'intérieur du véhicule n'est pas consacré à l’observation des risques sur la route.

Les tableaux de bord des automobiles modernes comprennent désormais une tablette à écran tactile ce qui peut exacerber cette situation. En effet, les conducteurs qui utilisent une tablette dans une voiture risquent de déplacer leur attention visuelle de la route vers leur écran. Les conducteurs détournent leur regard pour contrôler la température, régler un navigateur ou sélectionner de la musique. L'utilisation de dispositifs qui nécessitent de détourner le regard de la route peut avoir des effets négatifs sur les performances de conduite. Des regards de 2 secondes entraînent 3,6 fois plus de déviations de trajectoire que des regards d'une seconde. Ainsi, plus les conducteurs utiliseront de tels dispositifs à bord de leur véhicule, plus le nombre d'accidents augmentera. L'attention visuelle pendant la conduite est un important prédicteur d’accidents.

Dans une étude publiée aujourd'hui dans Scientific Reports, le professeur Micah Murray, directeur scientifique et académique du Centre d'innovation et de recherche du Sense à Lausanne et à Sion, en Suisse, et ses collègues démontrent que lorsqu'une tablette fournit des informations haptiques – utilisant l'impression de texture - les performances s'améliorent lors d’une tâche visuelle exigeant une attention centrale similaire à la conduite automobile. Il s'agit de la première preuve quantitative à l'introduction de l'haptique numérique à l’intérieur de véhicules et d’interfaces similaires.

Pour démontrer cette amélioration, Ruxandra Tivadar, l'auteur principal de ce travail qui faisait partie de sa thèse de doctorat à l'Université de Lausanne, a demandé à 25 adultes d'effectuer deux tâches simultanément. La tâche principale consistait à indiquer quand une lettre cible d'une couleur prédéfinie (par exemple, un "T" bleu foncé) apparaissait sur un écran central. Cette tâche était rendue difficile par l'intégration de cette cible dans un ensemble de 42 distracteurs (par exemple, des "T" bleu clair ainsi que des "L" bleu foncé et bleu clair). Simultanément, les participants à l'étude devaient également contrôler des "boutons" coulissants sur une tablette. Ces curseurs pouvaient être simplement visuels, comme dans les tablettes standard actuelles. Ils pouvaient également être présentés uniquement de manière haptique, sans information visuelle, grâce à l'introduction d'une technologie haptique numérique innovante. Enfin, les curseurs pouvaient comporter des informations visuelles et haptiques.

L'équipe a constaté que la capacité des personnes à détecter les lettres cibles était plus rapide lorsque la tablette fonctionnait uniquement avec des informations haptiques. En revanche, lorsque la tablette ne fonctionnait qu'avec des informations visuelles ou à la fois visuelles et haptiques, la performance de la détection des lettres cibles était ralentie. Le Dr Tivadar souligne cette application de la technologie haptique numérique de manière plus générale. "De manière générale, mon travail de thèse montre comment l'haptique numérique peut servir à la fois le grand public, par exemple en modifiant les technologies embarquées, et les malvoyants en fournissant un outil grâce auquel du texte ou des images peuvent être immédiatement et dynamiquement rendus sous forme d'affichage haptique."

Cette recherche est un exemple de l'activité du Sense Centre d'innovation et de recherche, qui est issu d’un partenariat conjoint du Centre Hospitalier Universitaire de Lausanne (CHUV), de l'Université de Lausanne (UNIL) et de la Haute école spécialisée de Suisse occidentale - Valais (HES-SO Valais-Wallis). L'étude résulte de la collaboration avec la Fondation Asile des aveugles, le CIBM Centre d'imagerie biomédicale, l'Institut d'informatique de l'Université de Berne, l'Université de Genève, ainsi que Hap2u. Un soutien financier a été apporté par le Fonds national suisse de la recherche scientifique et un subventionneur conseillé par Carigest SA.

Micah Murray, professeur associé au service de radiologie de l'hôpital universitaire de Lausanne et de l'université de Lausanne, décrit l'impact de ce travail : "Les technologies haptiques numériques existent aujourd'hui. Ce travail démontre pourquoi ces technologies sont d'une importance capitale pour rendre les conducteurs plus sûrs en réagissant plus rapidement. Les écrans tactiles sont universellement présents, mais leur pleine capacité à montrer comment nous pouvons utiliser au mieux nos sens pour interagir avec notre monde n'en est qu'à ses débuts."

Lorsqu'on leur demande quelles sont les prochaines étapes pour l’haptique numérique, le professeur Murray et ses collègues évoquent la possibilité de modifier les achats en ligne en "touchant" les tissus, de révolutionner les visites de musées pour permettre aux malvoyants de "toucher" les oeuvres d'art, de fournir des outils de navigation intérieure/extérieure aux malvoyants et de créer de nouveaux dispositifs éducatifs pour les enfants présentant des différences d'apprentissage et des handicaps.