L'INTERVIEW
Château d’eau de la Suisse, le Valais va jouer un rôle central dans l’approvisionnement énergétique futur, notamment grâce à ses nombreuses centrales hydroélectriques. Mais les défis ne manquent pas, comme nous l’explique Cécile Münch-Alligné, responsable du groupe de recherche Hydroélectricité de la Haute Ecole d’Ingénierie.
Quelles activités menez-vous dans le groupe de recherche Hydroélectricité de la HEI ?
Nous nous intéressons principalement aux centrales hydroélectriques. La plupart d’entre elles ont été construites à la fin de la 2e guerre mondiale et nous développons des outils afin de surveiller leur vieillissement, car nous ne les utilisons plus de la même manière qu’il y a 60 ans.
Pourquoi ce travail est-il important ?
Nous savons que l’hydroélectricité va jouer un rôle toujours plus central à l’avenir, notamment grâce à sa flexibilité. Les nouvelles énergies renouvelables sont difficilement prévisibles et l’hydroélectricité peut jouer un rôle tampon, afin de lisser la production totale. Le problème, c’est que les turbines n’ont pas été construites dans ce but-là, à savoir adapter leur puissance en fonction de la demande. Ces nouvelles formes d’utilisation ont un impact qu’il faut étudier et surveiller.
Quel impact ?
Les nombreux arrêts et démarrages ont des impacts principalement sur les vannes, les turbines et les conduites. En modifiant la production plusieurs fois par jour, nous étudions le type d’usure que ces pratiques génèrent afin de pouvoir les prévoir. Changer une pièce usée peut avoir un impact limité sur la production si l’exercice est soigneusement planifié, mais remplacer une pièce cassée peut s’avérer très compliqué et durer des mois.
Peut-on encore développer des projets uniquement en hydroélectricité, ou faut-il intégrer de nouveaux partenaires ?
En effet, de nouveaux partenaires sont intégrés à nos projets depuis quelques années. Par exemple le WSL qui focalise la prédiction de la ressource en eau. Ou l’EAWAG pour les aspects environnementaux. Ces collaborations nécessitent d’arriver à se comprendre et, forcément, ça prend un peu plus de temps. Mais c’est enrichissant d’impliquer plusieurs instituts de recherche et comprendre ce qui est important à leurs yeux.
Avec le changement climatique, le régime pluviométrique alpin va évoluer. Notre manière d’utiliser l’eau va-t-elle être impactée ?
Elle sera de toute façon impactée, vu la nécessité de maintenir, voire d’augmenter la production hydroélectrique suisse pour amoindrir nos besoins en énergies fossiles. De plus, comme les précipitations seront réparties différemment dans l’année - des étés plus secs, des hivers plus humides et doux - se dessine peu à peu un nouvel enjeu en Valais et dans les Alpes : celui du multiusage de l’eau. Durant quelques mois par année, en été principalement, il est probable que nos besoins dépassent la quantité d’eau disponible.
Améliorer l’efficacité des structures hydroélectriques existantes, est-ce suffisant pour, à terme, se passer d’énergies fossiles, alors que nos besoins en électricité augmentent, notamment par la hausse du nombre de voitures électriques et de pompes à chaleur ?
C’est exactement la question que l’on se pose avec le projet d’Innosuisse Flagship STORE coordonné par le Prof. F Sossan de la HEI. Grâce à une collaboration avec une quinzaine de partenaires académiques et de terrain, le projet a pour objectif d’étudier une Suisse 100% renouvelable en électricité. La question qu’on se pose, c’est d’évaluer le rôle que vont jouer les centrales hydroélectriques et quelle sera la flexibilité nécessaire. Cette flexibilité, c’est vraiment un atout majeur. Dans le cadre d’un autre projet, SmallFLEX Goms, nous étudions la compatibilité de la production des centrales hydroélectriques avec les futurs parcs solaires.
Qui d’autre a un rôle à jouer afin de diminuer les conflits potentiels autour de l’utilisation de l’eau en Valais ?
La population ! Mais pour cela, il faudrait accorder plus d’importance aux aspects sociaux. Si les gens comprenaient mieux la situation - le fonctionnement d’une centrale par exemple - les nouveaux projets seraient acceptés plus facilement.