Retour à la page précédente
IMG_20241127_181040
Thursday 05 December 2024 08:00

Saviez-vous qu’environ 80 millions de personnes dans le monde sont atteintes d’un TSA ou Trouble du Spectre Autistique ? Un tiers d’entre-elles est diagnostiqué comme non-verbales. Cela signifie qu’elles ne peuvent pas communiquer par le langage pour interagir avec leurs semblables. Alena Simalastar, Professeure à l’Institut Systèmes Industriels de la Haute école d’ingénierie travaille actuellement sur un projet permettant d’améliorer la communication des patientes et des patients qui souffrent d’une forme non-verbale d’autisme. L’Axe Santé, organisation interdisciplinaire de la HES-SO Valais-Wallis, finance ce projet de recherche réalisé conjointement avec le Professeur Antoine Widmer, chercheur à l’Institut Informatique et spécialiste de la réalité virtuelle.

Communiquer ses émotions autrement que par la parole

Les personnes atteintes d'une forme non verbale d'autisme n'ont pas la capacité de communiquer avec les autres et risquent de développer des comportements difficiles (auto-agressivité, hétéro-agressivité, cris, destruction, instabilité motrice). Certains comportements, en particulier l'automutilation, peuvent être dangereux non seulement pour le patient ou la patiente, mais aussi pour les personnes aidantes. Le projet vise à détecter les crises d’agression chez les personnes non-verbales souffrant d’un TSA. Il est actuellement très difficile de savoir si une personne non-verbale vit une crise liée au stress ou à des facteurs environnementaux ou si elle tente de communiquer de manière non-verbale avec son entourage. Tout projet de recherche débute par l’acquisition de données. Ainsi, c’est grâce à une collaboration avec le Département de psychiatrie du CHUV, que la Professeure Simalastar a pu accéder aux données relatives aux crises. Elle a travaillé à un processus d’automatisation de ces données statistiques. Mais le projet s’intéresse plus particulièrement à la prédiction des crises et à la compréhension de leur nature. Pour ce faire, un bracelet de mesure de signaux physiologiques est utilisé sur les patientes et les patients. Ce bracelet quantifie les marqueurs de stress que sont le rythme cardiaque et le taux de transpiration, puis, une centaine d’algorithmes d’intelligence artificielle extraient ces données et présentent les résultats sous forme de visualisation graphique. La communication avec les personnes non-verbales atteintes d’un TSA s’établit alors grâce à des marqueurs physiologiques et leur permet de se faire comprendre autrement que par la parole.

L’Axe Santé finance les travaux interdisciplinaires

Le financement octroyé par l’Axe Santé permet aujourd’hui de collecter et d’analyser les données des personnes atteintes d’un TSA et de comprendre la nature des crise (stress ou autres émotions) en les comparant à celles de personnes en bonne santé. Ainsi, le projet vise à provoquer des émotions chez les personnes en bonne santé et à récolter les données physiologiques qui en découlent. Ces données seront ensuite utilisées pour reconnaître des émotions similaires chez les personnes atteintes d’un TSA. Comment provoquer des émotions ciblées avec un protocole standardisé ? C’est ici que le Professeur Antoine Widmer, chercheur à l’institut informatique, est mis à contribution ; il propose une immersion en réalité virtuelle permettant de ressentir un panel varié d’émotions. Durant l’expérience, les données physiologiques sont recueillies et traitées par un algorithme de deep learning ou apprentissage profond (réseau neuronal artificiel qui permet aux ordinateurs d’apprendre par l’observation) capable de détecter les événements émotionnels. Les premiers tests sont très encourageants, puisque le modèle prédit avec une précision de 97% si les crises des personnes non-verbales sont liées à un stress ou à une volonté de communiquer. L’intensité des crises, pour celles qui sont moyennes à élevées, est très visibles. Le défi consiste encore à prédire ces crises suffisamment tôt pour qu’elles puissent être apaisées.

Projet scientifique recherche partenaire industriel

Les maladies orphelines ou touchant un nombre trop limité de personnes sont souvent délaissées par l’industrie pour des raisons de rentabilité. Alena Simalastar indique qu’initialement ce projet a été financé par la Fondation pour la Recherche en faveur des personnes avec un handicap. Elle aimerait pourtant développer son prototype à un niveau industriel, grâce à un partenaire de terrain, afin de pouvoir offrir aux quelques 25'000 personnes non-verbales atteintes d’un TSA en Suisse la possibilité d’être comprises plus facilement par leur entourage ainsi que par le corps médical. Même si le marché semble petit, la Professeure Simalastar précise que son travail de chercheuse doit avant tout viser à un impact positif sur la vie des gens. Elle-même maman d’une enfant souffrant d’une maladie rare, elle a à cœur d’attirer l’attention sur cette population, certes peu nombreuse, mais qui a besoin d’aide. Son enthousiasme pour la science date d’aussi longtemps qu’elle s’en souvienne. Originaire de Biélorussie où elle a effectué son Bachelor puis son Master à l’Université d’État d’informatique et de radioélectronique, elle a ensuite voyagé pour entreprendre un doctorat en co-tutelle entre l’Université de Trente en Italie et celle de Berkeley aux États-Unis. Après un passage à l’EPFL, elle a débuté sa carrière de professeure-chercheuse au sein de la HES-SO Valais-Wallis en 2019. Sa grande expérience dans le domaine des signes physiologiques et de la réadaptation ne se limite pas à ceux utilisés dans ce projet et comprend également les signaux d’électroencéphalogrammes pendant le sommeil. Le traitement en temps réel de signaux haute densité se déployant sur 256 capteurs installés sur la tête de patientes et de patients est une étape future de sa recherche qui pourrait ouvrir de nouvelles possibilités de diagnostic pour la patientèle atteinte d’une forme d’épilepsie pharmacorésistante liée au sommeil.