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Wednesday 18 December 2024 08:00

Il y a 24 ans, le séquençage complet de l’ADN du génome humain a été réalisé pour la première fois par une équipe de recherche internationale. Cela nous a permis d’accéder à une sorte de carte du génome humain, soit à l’ensemble des informations nécessaires aux êtres humains pour se développer et se reproduire. Dès lors, les maladies génétiques ont pu être étudiées de plus près. Les maladies génétiques dites rares sont définies comme touchant moins d’une personne sur 2000. Il en existe néanmoins tellement (plus de 10'000) qu’elles affectent au moins 5% de la population. Au vu de leur sévérité, c’est un véritable problème de santé publique. Elles sont, de plus, mal connues d’un point de vue médical et également mal couvertes par les assurances. Alexandre Kuhn, Professeur et chercheur à l’institut des sciences du vivant, est à la tête du projet EDA-COM financé par l’Axe Santé ; il souhaite améliorer et accélérer le diagnostic de ces maladies rares, notamment chez les enfants, afin d’éviter des années d’errance thérapeutique aux patientes et aux patients. Il nous parle de la méthode novatrice employée par son laboratoire et de sa volonté d’intégrer l’entourage et les personnes souffrant d’une maladie rare au cœur-même de son projet de recherche.

Une étude participative pour améliorer la prise en charge des maladies génétiques rares

Ce projet interdisciplinaire, financé par l’Axe Santé, inclut Alexandre Kuhn, responsable du laboratoire de biologie moléculaire de l’institut des sciences du vivant, Henk Verloo, chercheur à l’institut santé de la HES-SO Valais-Wallis, le laboratoire de génétique de l’Hôpital du Valais, le Dr. Johnny Deladoëy, Unisanté (Centre de santé publique, Vaud), ainsi que l’association MaRaVal – Maladie Rare Valais. Lors du premier séquençage du génome humain, une partie de celui-ci est resté inaccessible. Voilà quelques années seulement qu’une méthode appelée ONT – Oxford Nanopore Technologies permet de séquencer la totalité du génome en des fragments plus longs. Par analogie, nous pourrions comparer cela à un puzzle. Ainsi, ces longs fragments sont comme de très grandes pièces de puzzle permettant facilement d’avoir la vue d’ensemble du génome d’un individu. Le travail avec le corps médical, ainsi qu’avec une association représentant des patientes et des patients est important. En effet, chaque personne touchée par une maladie rare vit en moyenne durant cinq ans ce que l’on nomme une « odyssée diagnostique », passant de tests en tests, de spécialistes en spécialistes sans qu’un diagnostic puisse être posé. En utilisant ce séquençage d’un nouveau genre lors de la procédure diagnostic, il serait possible d’améliorer la prise en charge des personnes malades. Intégrer des collègues de l’institut santé a également permis de mettre sur pied un questionnaire donnant la parole aux parents d’enfants touchés par la maladie. Il s’agit d’évaluer l’impact d’un diagnostic de maladie génétique rare sur la vie des personnes concernées. Cette manière de faire est très récente et a été testée uniquement aux États-Unis. Le projet EDA-COM est précurseur en Europe, ayant traduit et adapté ce questionnaire aux réalités suisses. Une partie du questionnaire permet de faire état de l’utilité de la procédure diagnostic et l’autre s’attarde sur les aspects émotionnels d’une telle nouvelle. Ce questionnaire est crucial pour la prochaine étape du projet qui consistera à travailler à une plus large échelle, intégrant une patientèle plus importante.

Séquencer l’ADN familial pour filtrer les millions de variants potentiels dans le génome

Accélérer le diagnostic s’avère complexe, sachant qu’un génome est constitué d’environ 3 milliards de paires de bases nucléiques (les fameuses « lettres » A, T, C et G). Dans ces milliards de combinaisons, des millions de variants génétiques existent. Ces variants sont ce qui, potentiellement, peut modifier une séquence ADN et provoquer une maladie rare, par exemple. Dans ces millions de variants, il s’agit pour les équipes de recherche d’en isoler quelques dizaines pour définir une pathologie. C’est ici que la bioinformatique entre en jeu ; celle-ci permet de filtrer ces milliards d’informations. Un premier filtre consiste à comparer le génome d’un enfant avec celui de ses parents qui ne souffrent d’aucune maladie. Si une mutation est détectée chez un enfant et que sa mère possède la même mutation sans être malade, il est probable que cette mutation soit bénigne et ne provoque pas de maladie chez l’enfant. Un deuxième filtre consiste à effectuer une prédiction fonctionnelle d’une mutation. Finalement, le dernier filtre recherche dans les bases de données médicales qui ont été construites au fil du temps, la liste des mutations trouvées et si celles-ci sont pathogènes ou non. La dizaine de variants ou mutations génétiques candidates nécessite alors de plus amples investigations qui sont menées par des spécialistes en génomique des maladies rares. L’Hôpital de Tübingen en Allemagne est à la pointe dans ce domaine et le projet soutenu par l’Axe Santé a notamment permis d’initier une collaboration avec ce centre réputé.

Un chercheur engagé aux objectifs clairs

Alexandre Kuhn souhaite maintenant tester cette méthode novatrice sur un échantillon plus important de patientes et de patients ainsi que leurs apparentés (mère et père) afin de tester la validité de la méthode. Le Professeur Kuhn qui est biologiste et bioinformaticien de formation a toujours montré un grand intérêt pour les applications médicales de la biologie. Il lui semblait important que son activité de recherche soit utile à la découverte de traitements possibles ou à l’aide au diagnostic des maladies. Il a d’ailleurs longtemps travaillé sur les maladies neurodégénératives. Il souhaite faire une différence et améliorer le quotidien des personnes souffrant de maladies. Depuis quatre ans maintenant, il développe ces technologies de séquençage de troisième génération avec son équipe du laboratoire de biologie moléculaire. Ce qui semblait encore infaisable il y a peu est maintenant possible avec cette méthode de séquençage qui fonctionne quasiment en temps réel. Alexandre Kuhn est vraiment reconnaissant à l’Axe Santé d’avoir soutenu son projet et souhaite mettre en lumière l’importance de faire se rencontrer les équipes de recherche de disciplines différentes. « Cet axe sert de catalyseur pour un travail interdisciplinaire de qualité, pour établir des collaborations et pour faire une différence au niveau régional en proposant des solutions locales », nous confie le chercheur.