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Thursday 15 December 2022 08:00

Partenaire principal de la conférence Digital Health Connect aux côtés de la Fondation The Ark, la HES-SO Valais-Wallis participe à cet événement majeur des acteurs de la santé et du digital en Suisse, notamment au travers de son institut de recherche en informatique. Cette année, le thème de la durabilité était au centre des discussions, car elle n’est pas encore suffisamment prise en compte dans le domaine de la santé. Mais la prise de conscience de l’impact des activités de santé sur le climat est bien présente et les solutions et innovations se développent. La durabilité fait également référence à une meilleure accessibilité des soins de santé, mais aussi à la résilience du système. Tels sont les principaux constats de la 10e édition de la conférence Digital Health Connect, qui s’est déroulée jeudi à la Clinique romande de réadaptation de Sion.

Organisée par Swiss Digital Health, la manifestation a réuni environ 130 personnes, en majorité des spécialistes de la santé. « Cette édition anniversaire nous a permis de mettre en lumière les démarches innovantes qui permettent de rendre le système de santé plus intégratif et plus durable. Cette durabilité est de plus en plus présente dans la santé, sachant que ce secteur représente entre 5 et 8% de l’empreinte carbone totale de la Suisse », a souligné Sébastien Mabillard, président de Swiss Digital Health en introduction de la conférence. « Nous parlons de durabilité et de transformation numérique, mais il est important d’abord de comprendre les besoins avant d’amener de l’algorithme ou d’autres éléments », a rappelé de son côté Laurent Sciboz, directeur de l’institut Informatique de la HES-SO Valais-Wallis.

La doctoresse Valérie d’Acremont, médecin tropicaliste et épidémiologiste, a présenté sa vision du système de santé du futur, en se mettant à la place d’un-e patient-e. Ce système de santé fait selon elle une place beaucoup plus large à la prévention, avec des données médicales « rendues » aux patient-e-s. Le/la clinicien-n-e est quant à lui/elle vraiment au cœur du système de santé, avec de larges interactions humaines avec ses patient-e-s.


La prévention à ne pas oublier

Une table ronde, animée par Zeynep Ersan Berdoz, journaliste au Temps et à Heidi.news, a ensuite permis d’esquisser quelques solutions pour une médecine plus durable. Selon Yannis Papadaniel, responsable santé à la Fédération romande des consommateur-trice-s (FRC), la durabilité est un mot flottant. « Il y a une durabilité écologique, mais aussi une durabilité politique à maintenir, tout comme une durabilité économique, avec des enjeux financiers à traiter ». Selon lui, il semble que l’on arrive au bout du système actuel, notamment avec les hausses des primes maladie. « Un changement de style de vie doit permettre de mettre en place une durabilité systémique dans la société », selon Nicolas Loeillot, Innovation catalyst auprès de la CSS. De son côté, Pascal Strupler, président du Conseil d’administration de l’Hôpital du Valais, a rappelé que le Conseil fédéral avait proposé, il y a une dizaine d’années, une loi sur la prévention. Celle-ci a été refusée par le Parlement, puisqu’elle n’allait pas dans le sens de l’économie du marché. Reste que la réalité aujourd’hui, c’est le manque de personnel : « Et sans cela, pas de durabilité ».

Le personnel de santé est épuisé, confirme Valérie D’Acremont. « Mais sur le fond, il y a une perte de sens du travail. Il faut trouver une juste balance, avec par exemple l’aide de la digitalisation, sans pour autant multiplier les gadgets électroniques au détriment de relation humaine avec les patient-e-s. Selon la doctoresse Monique Lehky-Hagen, présidente de la Société Médicale du Valais, il faut davantage interconnecter les mondes de la santé et de la médecine. « Les gens qui viennent digitaliser la santé ne comprennent souvent pas les problèmes du personnel. Actuellement, ce sont les professionnels de santé qui doivent s’adapter aux logiciels, et pas le contraire ».

La durabilité, moteur de l’efficacité et de la résilience La conférence s’est poursuivie par l’exposé du docteur Sven Jungmann, médecin et associé de Founders Lane. Selon lui, les gens parlent de durabilité, mais n’agissent pas. « La durabilité n’est pas un objectif en soi. C’est un moteur de l’efficacité et de la résilience du système de santé ». Il faut changer de narratif et parler de résilience, afin que le système de santé puisse fonctionner même en cas de crises. « En jouant sur la prévention, on peut aussi diminuer l’utilisation de soins et de médicaments. Et aussi comprendre ce que l’on peut faire de manière décentralisée, par exemple avec des consultations à distance. C’est une façon de rendre le système de santé plus intelligent ».

Sarah Näther, associée Senior chez PriceWaterHouseCoopers, a présenté une étude en lien avec la durabilité du système de santé en Suisse. Celui-ci représente 6,7% des émissions totales en Suisse. C’est davantage que celles occasionnées par le trafic aérien. « Les émissions proviennent à 60% des constructions et des opérations et à 40% des soins quotidiens aux patient-e-s ». Pour les établissements de soins, la durabilité peut se concrétiser au niveau du financement des infrastructures (via des Greenbonds), mais aussi via des mesures d’efficience énergétique, de mesures touchant les menus servis à la cuisine des hôpitaux, du recyclage des déchets, de la limitation des gaz à effets de serre ou encore les chaînes d’approvisionnement avec l’utilisation de véhicules électriques. « Les projets sont déjà très nombreux dans des organismes de santé en Suisse », selon Sarah Näther.

Permettre un accès plus large aux soins dans le monde

Le docteur Solomzi Makohliso, directeur adjoint de l’Essentialtech Center de l’EPFL, a montré une autre facette de la durabilité : celle qui permet un accès plus large aux soins de santé dans le monde. Son centre de R&D crée des technologies médicales industrialisées dans les pays en voie de développement avec une optique de durabilité. Il s’agit de faire des concepts et des partenariats avant de développer des équipements sur mesure, tout en prévoyant un modèle économique et en tenant compte de la durabilité. « Dans tous les cas, les outils numériques jouent un rôle central dans la démocratisation de l’accès aux soins de santé dans les pays défavorisés. L’idée n’est pas de faire du low tech, mais du smart tech : simple, durable, robuste et abordable. « Nous misons sur une innovation universelle, pas destinée uniquement aux pays à fort revenu ». 

Rafaël Weissbrodt, professeur à la Haute Ecole de Santé de la HES-SO Valais-Wallis, a présenté de son côté une étude en lien avec la résilience des institutions sanitaires face au changement climatique. « Des phénomènes comme l’augmentation de maladies jusqu’ici peu répandues sous nos latitudes, ou encore la fréquence accrue d’événements climatiques extrêmes vont avoir une influence sur le fonctionnement des institutions sanitaires, sur les activités des professionnel-le-s des soins et sur leur propre santé. Le projet vise à soutenir ces institutions dans l’anticipation de ces changements ». Selon lui, les soins de santé doivent devenir résilients, afin d’anticiper les perturbations, surveiller le système de travail, adapter le fonctionnement aux contraintes et apprendre de l’expérience passée.

Trois innovations en lien avec la durabilité… et une masterclass

La conférence Digital Health Connect s’est poursuivie par la présentation de trois innovations concrètes au service de la durabilité. La première, Remedok, est une plateforme de revente de médicaments entre pharmacies, permettant d’éviter une partie des 4’600 tonnes de médicaments détruits chaque année en Suisse. La seconde, Med4Cast, amène de l’intelligence artificielle dans la décision ou non d’opérer. Cet outil, basé sur les données d’environ 10’000 patient-e-s, permet d’éviter certaines opérations inutiles. Enfin, le projet Cima, porté par Benjamin Bichsel, a détaillé son idée de créer un vêtement entièrement compostable fabriqué à partir de matières premières renouvelables et répondant aux exigences de l’économie circulaire. De quoi lutter contre la surconsommation de vêtements jetables au sein des hôpitaux.  

La conférence s’est conclue par la masterclass du professeur Jacques Marescaux, fondateur de l’IRCAD à Strasbourg. Ce dernier a expliqué comment les nouvelles technologies permettent de favoriser les échanges de savoir entre les pays. « La robotique, l’intelligence artificielle ou encore la chirurgie augmentée permettent de démocratiser le geste médical et donc l’accès aux soins médicaux dans le monde ». Grâce aux nouveaux outils et aux connexions de plus en plus performantes, il est possible de se connecter au cœur des meilleurs blocs opératoires pour gagner en expérience et échanger sur les savoir-faire.  

La 10e édition de Digital Health Connect a été dessinée en direct par l’illustratrice Anne-Raphaëlle Centonze. Découvrez son résumé ci-dessous.


Digital Health Connect

Sources : Blog The Ark, Smartconfluence