Mina Aghaei Dinani est originaire d’Iran ; après un Bachelor en informatique, elle obtient son Master à l’école polytechnique de Turin, puis rejoint la Suisse pour effectuer son doctorat. Elle nous explique ce qu’elle aime dans l’informatique, l’importance de l’apprentissage et comment son travail de doctorat pourrait exercer une influence sur nos habitudes de mobilité. L’informatique est au service de la société, nous rappelle-t-elle, et permet notamment de travailler dans des domaines aussi passionnants que ceux de l’énergie et de la mobilité. Voici son portrait.
D’aussi loin qu’elle se souvienne, Mina a toujours aimé les ordinateurs et les jeux vidéo. Née en Iran, elle a effectué un Bachelor en informatique dans son pays, puis a choisi de poursuivre ses études par un Master dans l’une des plus prestigieuses chaires de télécommunication du monde, à Turin en Italie. Elle a beaucoup aimé la dolce vita italienne, sa culture culinaire, le temps clément, mais aussi le fait que ce pays restait financièrement abordable pour elle en tant qu’étudiante. Les universités publiques et l’enseignement de qualité accessibles sont effectivement un privilège que nous oublions parfois en Suisse.
Grâce à des projets communs entre cette université italienne et la HES-SO Valais-Wallis, Mina a découvert l’institut informatique de la Haute école de gestion à Sierre et y effectue un doctorat. Quand on lui demande pour quelles raisons elle a choisi l’informatique, elle mentionne le rôle primordial de prescripteurs de ses parents qui l’ont beaucoup encouragée à devenir ingénieure. Pour elle, la technologie et l’informatique pavent un chemin vers le changement. Elle vient d’un pays où les femmes vivent avec beaucoup de limitations et elle souhaite, depuis toujours, travailler pour que cela change. En effet, l’informatique et la pensée algorithmique ont changé sa manière de voir les choses, sa mentalité et même jusqu’à son comportement en société. Elle considère qu’apprendre à coder lui permet de percevoir le monde différemment. « Apprendre donne du pouvoir ! », indique Mina et ce, surtout aux femmes. Elle a compris assez jeune qu’elle était capable d’aller là où elle voulait grâce à l’éducation. Elle se souvient de son enfance comme d’une période où les barrières étaient moins importantes, car un enfant s’intéresse aux nouvelles choses sans jugement préalable sur ses propres capacités.
Même si l’apprentissage s’avère plus simple quand on commence jeune, Mina souhaite dire qu’il n’y a pas d’âge pour se lancer dans une nouvelle activité. Il suffit de faire le premier pas et les suivants seront plus faciles. Il ne faut pas regarder la montagne qui est devant soi, mais avancer, petit à petit, pas après pas pour finalement atteindre son objectif. Quand on lui demande ce qu’elle aimerait faire plus tard, un souvenir lui vient immédiatement à l’esprit : « Je donnais des cours d’informatique à des femmes dans la maison de ma grand-mère en Iran. Sur ce vieil ordinateur, je leur ai appris à utiliser Windows. », dit-elle en souriant. Elle aimerait enseigner et transmettre son savoir, car elle estime que la technologie est un domaine qui ouvre l’horizon intellectuel, montrant à celles et ceux qui s’y plongent qu’il n’y a pas de limites lorsqu’il s’agit d’apprendre et de choisir ce que l’on veut faire dans la vie. Mina souhaite encourager tout le monde, et plus particulièrement les femmes, à se lancer dans une carrière technique. Sierre est une petite ville qu’elle aime pour ses paysages qu’elle parcourt durant de longues marches. La vie à l’institut informatique lui plaît parce que les doctorant-es, les assistant-es et les adjoint-es y ont développé un réseau social et une quantité d’activités qu’elle peut partager avec des personnes venant du monde entier.
Le doctorat de Mina porte sur la conception de modèles d’apprentissage distribué sans serveur dans des scénarios dynamiques ou gossip learning. Mais en quoi cela consiste-t-il exactement ? Dans un modèle classique d’apprentissage automatique, des ordinateurs transmettent des données à un serveur central qui les analyse pour prédire quelque chose, telle que la détection d’une maladie. Mais dans le gossip learning, il n’y a pas de serveur ni d’entité centrale. Les données restent là où elles ont été générées. Chaque ordinateur entraîne son modèle local et le partage avec d'autres ordinateurs, préservant ainsi la confidentialité des utilisateur-trices. Les avantages d’un tel système sont nombreux : le système est évolutif, puisqu’il est possible d’ajouter de nouveaux nœuds (ou ordinateurs) au réseau.
Le système tolère mieux les pannes et fait preuve de robustesse car si un nœud tombe en panne, les autres ordinateurs prennent le relais. La performance est accrue et les calculs se font plus rapidement car l’utilisation des ressources est distribuée et optimisée. Le coût du système est moindre, puisqu’il n’y a pas besoin d’un serveur puissant pour centraliser les données, mais de plusieurs petits nœuds. Finalement, en évitant un ordinateur central de traitement des données, la confidentialité se trouve améliorée car les données sensibles des utilisateur-trices ne sont pas partagées. Mais pourquoi appeler cela du gossip learning ? Tout simplement parce que les informations se distribuent à travers le réseau à l’image de la propagation des potins ou des commérages à travers un groupe de personnes. Chaque nœud du réseau met à jour ses paramètres de modèle en échangeant avec d’autres nœuds du réseau pour converger à un consensus. L’apprentissage distribué est évolutif, décentralisé, et permet de réduire le volume de communications. Par exemple, cela est très intéressant pour analyser un grand volume de données afin d’améliorer les flux de données des systèmes énergétiques ou pour simuler des concepts mécaniques ou physiques complexes afin d’améliorer virtuellement des produits ou des appareils.
D’ailleurs, Mina tente de comprendre et d’expliquer comment la communication des nœuds affecte les performances du système, de saisir le comportement des algorithmes dirigeant ces réseaux et de quantifier l’efficience, l’efficacité et la performance de ces derniers. Son travail est dédié à des cas d’usage pratiques dans les domaines de la mobilité. Il est, en effet, possible d’utiliser le gossip learning pour effectuer des prédictions concernant le trafic routier, pour prévenir les accidents éventuels des véhicules autonomes ou d’étudier le comportement des piétons pour mieux organiser l’environnement urbain.