En valorisant les données informatiques, un projet européen coordonné par Antoine Widmer, professeur et chercheur à l’institut informatique de la HES-SO Valais-Wallis propose des pistes pour mieux vieillir. En collaboration avec le CHUV, l’entreprise MindMaze, la Haute Ecole Arc, ProSenectute, BruSano à Bruxelles et l’Institut Universitaire de gériatrie de Montréal, le projet StayFitLonger a obtenu un financement de la Commission Européenne via le programme AAL - Active and Assisted Living (vie active et assistance à la vie autonome). Ce dernier finance la recherche de solutions basées sur les technologies de l’information pour une vie plus indépendante lorsqu’on avance en âge.
Le vieillissement des structures cérébrales s'accompagne fréquemment d'une diminution des capacités physiques et intellectuelles. L'objectif de StayFitLonger est de prévenir ou de ralentir cette détérioration. Les personnes âgées deviennent plus fragiles, perdent parfois l'équilibre, peuvent souffrir de pertes de mémoire et avoir plus de difficultés à se concentrer. Elles souhaitent cependant rester chez elles le plus longtemps possible et conserver une bonne qualité de vie. La plateforme StayFitLonger vise à maintenir la mobilité des personnes, à réduire les chutes et à prévenir le déclin cognitif grâce à un entraînement ciblant la mémoire, l'attention et les fonctions exécutives. Mise en place pendant le COVID, la plateforme mobile pour un entraînement à domicile a été très utile et utilisées par les personnes participant à l’étude. Intégrant des exercices physiques pour prévenir les chutes ainsi qu’un entrainement cognitif sous forme de jeu, StayFitLonger a aussi permis des interactions sociales avec un coach virtuel à la demande.
C’est sous forme de boutade qu’Antoine Widmer indique que c’est en quelque sorte la question de recherche de départ du projet. Les équipes de recherche souhaitaient faire la preuve scientifique de ce qui fonctionne vraiment pour soutenir les capacités cognitives des personnes qui vieillissent. En effet, selon la croyance populaire et parfois les recommandations de la médecine, les exercices tels que Sudoku et Mots-Croisés peuvent être efficaces pour maintenir la mémoire et entrainer son cerveau. La science prouve aujourd’hui que ces exercices permettent de développer des capacités précises, mais insuffisantes du point de vue de la concentration et de la mémoire. Le projet a démontré l’importance des activités d’attention distribuée ou partagée, c’est-à-dire d’effectuer un exercice qui requiert plusieurs tâches en même temps, une physique et une cognitive. Plus les tâches synchronisées sont effectuées, plus le cerveau humain améliore ses capacités. Un an de développement suivi d’un an et demi d’un essai randomisé contrôlé ont permis de démontrer l’efficacité de StayFitLonger.
Ce n’est pas le premier projet d’Antoine Widmer qui vise à faire la différence dans le quotidien de la population. Il a déjà travaillé sur des projets avec l’Orif – Organisation Romande d’Intégration et de Formation en utilisant la réalité virtuelle pour faciliter l’apprentissage ou encore sur un projet en lien avec les troubles du spectre autistique. « L’intérêt des solutions technologiques interactives, telles que la réalité virtuelle ou la réalité augmentée, n’est pas de créer plus de besoins dans un but commercial, mais de répondre à des besoins sociétaux, d’améliorer concrètement la vie des gens », nous confie le chercheur. Son parcours est intéressant à plus d’un titre, lui qui a obtenu son Bachelor en informatique à la HES-SO de Fribourg et a poursuivi par un Master et un Doctorat à Calgary au Canada. Il s’est spécialisé dans la compréhension de la perception humaine grâce à la réalité virtuelle. L’idée était de savoir s’il était possible de changer les perceptions de la vue et du toucher sans que l’humain ne s’en rende compte. Pour le faire, les testeurs et testeuses portaient un casque de réalité virtuelle et des capteurs sur une main. Le chercheur modifiait les caractéristiques visuelles d’une balle virtuelle (taille, poids, molleté) et le retour de force. Ainsi, il a découvert que le sens de la vue était prépondérant chez l’humain qui s’apercevait plus rapidement des modifications apportées à la balle par le sens de la vision que par celui du toucher. Cette spécialisation en poche, Antoine Widmer est revenu en Suisse et a travaillé sur un projet Innosuisse avec l’entreprise zurichoise VirtaMed. Le but était d’améliorer le retour de force dans une plateforme en réalité virtuelle destinée à l’entrainement pour la chirurgie endoscopique.
C’est à Sierre qu’il poursuit aujourd’hui sa carrière, comme postdoctorant dans un premier temps puis comme professeur associé à la filière informatique de gestion. « Né à Fribourg, je suis devenu expatrié au Canada et un peu expatrié aussi en Valais. Le seul point commun qui relie Calgary et Sierre, ce sont les montagnes ; les Rocheuses d’un côté, les Alpes de l’autre », nous explique Antoine pour parler des raisons qui l’ont poussé à postuler en Valais. Coordinateur de ce projet de recherche devisé à plus de 2 millions de francs et intégrant de prestigieuses institutions, il est heureux d’avoir pu faire participer les étudiant-es de la filière informatique de gestion dans le développement de StayFitLonger. Il apprécie tout particulièrement l’enseignement et veille à intégrer ses recherches à son cours et les futurs bachelier-ères à ses projets de recherche. Cela semble très motivant pour les jeunes d’apporter leur pierre à l’édifice, d’autant plus lorsque les projets sont socialement utiles. Antoine Widmer a aussi tenu à faire participer les utilisateur-trices de l’application à son amélioration en leur proposant d’ajouter leur propre contenu pour étoffer la plateforme.
La partie informatique de ce projet s’est concentrée sur la valorisation des données et la coordination de l’étude clinique double aveugle, des étudiant-es de la filière qui ont codé des jeux et des membres du consortium. La récolte, le stockage et la distribution des données ont été au cœur du travail de recherche afin de pouvoir tester rigoureusement les hypothèses du projet. Le travail sur ces données a permis de démontrer scientifiquement que l’application imaginée permettait d’obtenir de bons résultats sur la cognition et la prévention des chutes. Antoine Widmer nous avoue avoir aimé coordonner ce projet, mais toujours aimer s’adonner à la programmation. Il est heureux d’enseigner car cela lui permet de garder un pied dans la pratique. Il lui semble primordial de fournir une participation concrète dans les projets, de soutenir ses assistant-es en cas de retard et, comme il enseigne la programmation, de rester constamment à jour dans un domaine qui évolue très rapidement. L’application de toutes ces connaissances au domaine médical de la eSanté l’intéresse tout particulièrement car son travail peut avoir une incidence concrète dans la vie des gens et ouvrir la voie à une médecine personnalisée. Lui qui attache beaucoup d’importance à son indépendance scientifique, il n’est pas étonnant qu’il ait mis autant d’énergie dans le projet StayFitLonger dont l’un des buts est de garantir l’autonomie des personnes âgées le plus longtemps possible.Antoine Widmer