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Stéphane Genoud
Wednesday 31 August 2022 14:19

Pénurie d'énergie hiver 2022 - 2023

Portail "Pénurie d'énergie hiver 2022-2023"

Analyse de la situation par Stéphane Genoud au 31.08.2022

Au regard de l’évolution des différents indicateurs à notre disposition (voir graphiques et explications ci-dessous), nous pouvons estimer que le risque de pénurie pour cet hiver 2022-2023 est toujours marqué.

Pour vous permettre de bien suivre notre analyse, nous vous conseillons de lire la première analyse de la situation du 24 août 2022.

Pour les personnes qui désirent comprendre la situation de l’approvisionnement de la Suisse, nous vous encourageons à écouter l’exposé de notre collègue le Prof Dr Philippe Jacquod qui présente clairement les enjeux sur le front de l’électricité.

Malgré un remplissage plus élevé des réserves de gaz en Europe, notamment en Allemagne, le décalage du redémarrage annoncé par EDF, laisse la situation toujours complexe. Retrouvez ci-dessous les différents indicateurs et mon analyse de la situation.

Les indicateurs

1. L'électricité en Suisse

Les imports net de la Suisse

Ce graphique montre les imports net moyen d’électricité en Suisse pour la période 2018-2021, ainsi que les imports pour l’année 2022.

Nous avons eu un été 2022 plutôt tendu aussi sur le marché suisse, car nous avons été des importateurs net de courant électrique, du fait des très faibles précipitations.


Source : energyscan.engie.com

Réserve hydraulique pour la Suisse 

Ce graphique montre le niveau des barrages en Suisse sur les années 2020-2021 et l’état actuel des réserves pour l’année en cours.

Nos barrages se remplissent à la hauteur des moyennes des 20 dernières années, même si c’est un peu plus faible. On peut clairement remercier ici les géants des glaces qui agonisent en silence qui auront contribué, malgré eux, à peut-être éviter le pire cet hiver.

Source : energyscan.engie.com

2. Pénurie : les signaux de la France

Les prix de l’électricité en France aujourd’hui

Ce tableau donne les prix du marché de l’électricité avec les prix français au 6 juillet et au 30 août.

En revenant sur le point hebdomadaire, les annonces de EDF, avec une planification d’enclenchement d’une partie des centrales nucléaires française ont permis de détendre un peu la situation sur le marché français ces derniers jours. On voit clairement une tendance à la baisse des prix de ces forwards avec une baisse de 18.27% du prix pour le Q+1 peak et une baisse de 4.65% du Cal+1 peak.

Source : energyscan.engie.com

Il y a toujours une très forte volatilité (indication de dispersion de prix) car la baisse qu’il y a eu sur le prix français pour le Cal+1 en 1 jour, représente 4x les prix moyens de 2019. Les prix n’ont jamais été aussi élevés que cette année.

Il faut comprendre que le prix d’un marché est fixé par le prix du dernier produit vendu. Le prix de toute les pommes sur un maché boursier est le prix de la dernière transaction. En économie, on classe les offres des entreprises dans l’ordre du mérite.

Comme nous pouvons le voir sur le graphique ci-dessous, le prix de la dernière transaction est probablement celui de la plus ancienne installation au fioul (mazout) qu’un producteur propose pour la période concernée, si la demande augmente encore (déplacement vers la droite). Le graphique a certainement été fait avant la crise énergétique de 2022, car l’échelle s’arrête à 180 €/(MWh (à comparer avec les prix actuels…)

Source : https://omnegy.com/la-mecanique-du-merit-order/

Mais en comparant les prix du début de juillet, on voit clairement que les prix Forward (prix dans le future pour les périodes du mois à venir (M+1), du trimestre à venir (Q+1), de l’année à venir (Cal+1) sont tous à la hausse.

Le graphique ci-dessous montre l’évolution des prix du marché de l’électricité français sur les années 2017-2022. 

Source : energyscan.engie.com

Les prix en France pour les deux années à venir sont toujours dans des niveaux jamais observés. Même si le zoom sur les derniers jours montre une tendance à la baisse des prix.

Comme le montre notre collègue Philippe Jacot dans sa présentation, on observe une tendance baissière de la production du nucléaire depuis longtemps, probablement le reflet du l’état vieillissant du parc nucléaire de la France.

La production et les imports net de la France

On voit dans le graphique ci-dessous que la France est devenue un importateur net d’électricité depuis juin de cette année (courbe rouge), ce qui signifie pour nous, que la France n’a pas d’électricité à nous vendre.

Source : energyscan.engie.com

Puissance des réacteurs nucléaires français 

Ce graphique montre la puissance générée par les réacteurs français pour les années précédentes, l’année en cours et la prévision pour le reste de l’année.

L’annonce d’EDF sur la planification de réenclenchement des leurs centrales nucléaires est, sans surprise, c’est-à-dire de l’ordre d’un vœux pieux.

Etat au 31 mai 2022

Source : energyscan.engie.com

Etat au 31 août 2022

Source : energyscan.engie.com

Nous pouvons en effet remarquer que la courbe bleu, qui est la puissance théorique générée par les réacteurs français à leur reprise (interprétation réalisée à partir des indisponibilités des centrales nucléaires françaises annoncées par EDF), de la fin du mois de mai, ne correspond absolument pas à la courbe réelle (rouge) à fin août.

C’est une estimation théorique de la puissance disponible dans les mois à venir, si ces réacteurs sont en mesure de redémarrer.

3. Pénurie : les signaux de l'Allemagne

Les prix de l’électricité en Allemagne aujourd’hui

Ce tableau donne les prix du marché de l’électricité avec les prix allemand au 30 août.

Source : energyscan.engie.com

Nous pouvons clairement voir que les prix sont aussi très élevés, mais bien plus bas que les prix en France. Ces différences de prix sont certainement dues aux capacités de transport limitées entre les deux pays. S’il était possible de transporter toute l’électricité nécessaire entre deux pays, nous observerions un prix semblable.

Nous voyons aussi clairement, dans le graphique ci-dessous, que les pays qui s’en sortent le mieux sont ceux qui ont de la production décarbonée suffisante comme l’Espagne, où la crise énergique a clairement moins d’impact. Si la Suisse avait réussi sa transition énergétique, nous serions moins sensibles aux pressions que nos voisins subissent.

Ce tableau donne les prix du marché de l’électricité en 2022 des principaux pays européens.

Source : energyscan.engie.com

La pression sur le prix allemand est clairement liée au problème de fourniture de gaz russe.

Exports de gaz russe vers l’Allemagne 

Ce graphique montre le niveau des exports de gaz de la Russie vers l’Allemagne sur les années 2016-2021 et l’état actuel des exports pour l’année en cours.

Nous pouvons voir que la tendance à la baisse se confirme. Gazprom, annonce cette baisse de livraison par des entretiens du pipeline Nordstream 1. Le risque que la Russie stoppe complètement ses livraisons de gaz à l’Europe est toujours bien présent.

Source : energyscan.engie.com

La courbe pour les exports de gaz russe vers l’Europe a logiquement la même tendance.

Source : energyscan.engie.com

4. Les réserves/stocks

Stocks de gaz en Europe 

Ce graphique montre le niveau des stocks de gaz en Europe sur les années 2015-2021 et l’état actuel, au 31 août, des stocks pour l’année en cours.

Nous pouvons voir que les réserves de stock de gaz en Europe continuent à augmenter, mais également que la taux de croissance (YoY surplus) est en baisse. Les acteurs du marché ont de la peine à accélérer les remplissages des stocks européens.

Source : energyscan.engie.com

La tendance pour nos deux grands voisins (France et Allemagne) suit la même tendance.

Stocks de gaz en France

Ce graphique montre le niveau des stocks de gaz en France sur les années 2017-2021 et l’état actuel, au 31 août, des stocks pour l’année en cours. 

Source : energyscan.engie.com

Stocks de gaz en Allemagne 

Ce graphique montre le niveau des stocks de gaz en Allemagne sur les années 2017-2021 et l’état actuel, au 31 août, des stocks pour l’année en cours.

Source : energyscan.engie.com

L’Allemagne a réussi à garder un taux de remplissage plus élevé que la France car les Norvégiens aident en exportant toutes les capacités possibles, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous.

Ce graphique montre le niveau des exports de gaz de la Norvège vers l’Allemagne sur les années 2016-2021 et l’état actuel, au 31 août, des exports pour l’année en cours.

Source : energyscan.engie.com

La semaine prochaine, nous vous ferons le point sur notre voisin autrichien. Serait-il un exemple à suivre ?

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Professeur·e HES ordinaire, Stéphane Genoud