Phase 1: I'm not a stranger anymore
I'm not a stranger anymore est une performance culinaire interactive réalisée en deux phases par Sawi Laila, étudiant à l'EDHEA, dans différents lieux de Suisse (2022). La performance se concentre sur le blé en tant que matériau performatif, source de nourriture et centre de pratiques sociales, de connexion et de formation de cultures.
Ce travail examine l’histoire personnelle de l’artiste - qui est né et a vécu en Egypte - et les liens entre celle-ci et la cuisson du pain, les familles, les cultures et les traditions. Il explore la signification de la fabrication de son propre pain, dans le contexte de la violence qui découle des déclarations contre les immigrant∙e∙s et les minorités. Cette performance utilise des textes en arabe d’Egypte et en anglais écrits par l'artiste, ainsi que des histoires recueillies dans le cadre de recherches sur les frontières et la violence subie par les minorités et les réfugié∙e∙s. Le travail cherche à mettre en lumière les inégalités de pouvoir de ces expériences, et comment les récentes et violentes déclarations politiques contre les immigrant∙e∙s et les minorités affectent notre corps.
Ce travail explore comment la cuisine peut créer un espace de guérison à travers l'interaction avec le public et une invitation à écrire, à exprimer ses sentiments et ses émotions en écrivant sur une table. Il explore comment des espaces sécurisés de guérison peuvent être créés à travers la pratique intime et personnelle de la cuisine dans des espaces publics.
Phase 2 : Ecofeminism Dinner
Performance de cuisine collective dans le cadre du festival Room to Bloom en Suède. L’objectif vise à apprendre à partager le pouvoir en cuisinant ensemble avec curiosité. Il n’y a pas de hiérarchie, mais chacun a un rôle précis à remplir et les recettes choisies ont un lien avec les ancêtres et les coutumes de chacun∙e, afin d’entretenir ce lien essentiel.
Manger et prendre soin de son corps sont des éléments essentiels de notre vie quotidienne. L'amour et la patience sont les principaux ingrédients d'un bon dîner.
Extraits de la performance artistique:
« Ici, près de cette maison, les odeurs de pain frais se mêlent aux souvenirs et à l'odeur de la vieille bâtisse. Le bout de mes doigts est presque gelé par le froid. Et mes pieds… je ne sais pas comment ils ont pu me transporter, comme s'ils se dépêchaient et couraient, espérant se retrouver au chaud à nouveau. »
« Ma mère avait l'habitude de dire, "Quand j'aime quelqu'un, j'aime lui cuisiner un bon repas, avec mes propres mains." En m'approchant, j'ai senti ce fumet, qui donnait l'impression à mon corps d'être plus énergique, et j’ai aussi remarqué les merveilleuses mains de ma mère, d'un blanc pur et inaltéré. »
« Il était constamment répété que le pays traversait une crise économique, alors mes parents étaient généralement prompts à mettre de côté un peu d'argent liquide […] Quatre jours par semaine, des repas économiques, sans viande, et les restes trois jours, un jour de viande rouge, un jour de poulet, et un jour de poisson »
« Ma mère avait l'habitude de faire remarquer que nous avions de la chance ; il y a ceux qui ne mangent que des légumes et du pain tous les jours, avec peu ou pas de viande. Nous devrions donc être contents et reconnaissants. Cependant, j'étais insatisfait. Je n'étais pas comme la plupart des enfants qui désiraient manger de la "coco". La coco, c'est de la viande. J'étais inquiet lorsque je sentais l'odeur de la viande en train de cuire à la maison, et j'aurais préféré ne pas en manger. »
« Mon père était furieux, il disait de moi que je ressemblais aux jeunes filles, qu’elles étaient même plus terre à terre que moi, que j’étais chétif et que je le resterais si je ne mangeais pas de viande. »
« Ma mère était intelligente et habile dans l’art de la persuasion. Elle coupait de la viande en petits morceaux et les plaçait dans du riz aux légumes. Elle ne s’était pas rendu compte que j'avais acquis cette même compétence auprès d'elle, et que j'avais l'habitude de manger le riz et les légumes, tout en éparpillant la viande dans l’assiette, la convainquant ainsi que j'avais presque tout terminé. »
« Ma mère avait l'habitude de dire : "La maison peut accueillir mille amis et membres de la famille", car elle était toujours prête à recevoir des invités. Sa méthode ? La cuisine. »